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Une conversation avec le Dr Jim Morrison : Réflexions sur les 125 ans de Littératie Ensemble

04 juin. 2024

2024 marque le 125ème anniversaire de Littératie Ensemble, autrefois appelé Collège Frontière. Depuis ses débuts en 1899, Littératie Ensemble a collaboré avec des bénévoles, des apprenants et des partenaires communautaires pour autonomiser les individus dans l'acquisition de compétences en lecture, en écriture et dans d'autres domaines fondamentaux. 
 
Lorsque le fondateur Alfred Fitzpatrick a installé les premières tentes de lecture sous le nom de Mouvement canadien des camps de lecture, il est peu probable qu'il ait anticipé tous les changements survenus au fil des ans. Le monde a considérablement évolué depuis ces premiers jours, et Littératie Ensemble, anciennement connu sous le nom d’Association des camps de lecture puis de Collège Frontière, a évolué avec lui. 
 
En tant qu'organisation dotée d'une histoire riche, il est essentiel d'avoir quelqu'un pour retracer et consigner cette histoire. C'est encore mieux lorsque cette personne a une connexion personnelle avec le travail que nous faisons et les personnes que nous accompagnons.  
 
Dr. James H. Morrison, CM, Ph. D. (Ibadan), B.A. (Acadia), B.Ed. (Acadia) est cette personne, bien que par ici, il soit plutôt connu sous le nom de Jim. Il a reçu l'Ordre du Canada pour son travail pionnier en méthodologie de l'histoire orale, ainsi que les médailles du jubilé d'argent et du jubilé de platine de la Reine Elizabeth II. 

Une photo de Jim Morrison à la fin de l'été et à la fin de la ligne du train à Vancouver.

Jim est né en Nouvelle-Écosse et a passé 40 ans en tant que professeur à l'Université Saint Mary, à Halifax. Il a publié de nombreux livres, dont trois sur l'histoire de Littératie Ensemble et d'Alfred Fitzpatrick (à noter que ces livres sont uniquement disponibles en anglais): Cela nous remplit de fierté de savoir que Jim a commencé sa longue et illustre carrière en tant que travailleur-enseignant avec Collège Frontière en 1964 et 1965. Joanne Huffa, coordinatrice des communications et des anciens et anciennes, a récemment parlé avec Jim de son temps passé au côté de l’organisation : en tant que travailleur-enseignant, membre du conseil d'administration et historien interne. 

*Les réponses ont été éditées pour des raisons de longueur et de clarté. 
 

Comment as-tu entendu parler de Collège Frontière pour la première fois ? 

À l’époque, j'étais en train de faire ma licence à Acadia. J'y étais depuis deux ans. Pendant ma première et ma deuxième année, j'avais travaillé avec la division de formation navale, mais ce n'était pas vraiment ce que je voulais faire. C'était bien parce que je gagnais un peu d'argent en été, mais ce n'était pas ce que je voulais faire. J'ai vu une publicité sur un mur qui faisait la promotion de Collège Frontière, qui disait : "Travail dur, bas salaire, et toutes les mouches noires que vous pourrez avaler. Postulez à Collège Frontière pour vivre une expérience inoubliable." Ça m'a attiré, et j'ai rencontré Bill Pierce, qui voyageait à ce moment-là dans diverses universités de Nouvelle-Écosse et d'ailleurs. J'ai dit : "J'aimerais être bénévole." 

L'une des choses sur lesquelles Collège Frontière insistait à l'époque, c'est que vous soyez en bonne condition physique parce que vous alliez essentiellement - et pour beaucoup d'étudiants universitaires, c'était le cas - être confronté à un environnement physique très difficile, en travaillant 10 heures par jour, 6 jours par semaine. Donc, vous deviez être en forme physiquement, non seulement pour faire le travail, mais aussi pour faire ce que Collège Frontière voulait que vous fassiez, c'est à dire enseigner le soir. Ce n'était pas un problème pour moi. J'ai été élevé à la ferme donc le travail dur n'était pas quelque chose qui me préoccupait particulièrement. Ce fut le début de mes aventures avec le Collège. 

Une photo de l'ancien bâtiment du Collège Frontière et un homme entrain de poser un clou


Qu'étudiais-tu à l'époque ?

Je venais de terminer ma deuxième année en physique et en mathématiques, qui devaient être mes deux matières principales. Cependant, j'ai reçu mes notes pendant l'été, alors que je travaillais sur un chantier ferroviaire, et elles n'étaient pas aussi bonnes que je l'avais espéré. Je savais que ça allait arriver de toute façon. Alors je me suis retiré de ce programme et j'ai décidé de m'orienter en histoire et en anglais. J'ai continué dans cette voie et j'ai obtenu mon B.A. (Baccalauréat ès arts) en histoire en 1966 et ensuite mon baccalauréat en éducation en 1967. Les étés 1964 et 1965 sont les deux périodes pendant lesquelles j'ai travaillé pour Collège Frontière. 

Avais-tu le même rôle pendant les deux années que tu as passé en tant que travailleur-enseignant ?

Non. La première année, je travaillais sur le chemin de fer du Canadien Pacifique dans ce qu'ils appelaient le "steel gang" (ndlr: en français, le gang de la construction ferroviaire.) Nous avons commencé à Thunder Bay, Ontario, et avons travaillé jusqu'à Vancouver sur une période de quatre mois. Le gang était composé de deux équipes qui réparaient les rails qui s'étaient usés ou qui n'étaient pas adaptés aux grands trains qui passaient et ainsi de suite. Il y avait près de 200 hommes dans des wagons. Il y avait plus de 100 wagons et des quartiers de sommeil et des endroits pour les cuisiniers et la nourriture et tout ça. C'était essentiellement un train qui se rendait dans une voie de garage, et puis il y avait une section de rail - peut-être 5 miles, 10 miles, 15 miles - qui devait être réparée ou renforcée avec de nouveaux rails. Donc, les hommes sortaient de là. Nous travaillions 10 heures par jour, 6 jours par semaine. Le dimanche était notre jour de repos, et c'est à ce moment-là que j'organisais des activités de loisirs.

C'était très difficile, physiquement. C'était une bonne expérience pour moi de me retrouver dans une situation où j'enseignais à une classe. Je n'avais jamais fait ça avant. Je pense que le plus important pour n'importe quel travailleur-enseignant avec le Collège était de gagner le respect des hommes par le travail que vous faisiez. Une fois que vous l'aviez, au bout de une, deux, trois semaines - parfois plus longtemps après - alors vous pouviez commencer vos cours. Si vous ne leur prouviez pas que vous pouviez travailler sur le chemin de fer, vous ne réussissez pas à les faire venir travailler pour vous dans les wagons. Ça a été mon expérience cet été là. 

L'année suivante, j'étais à la Great Lakes Paper Company, qui se trouvait dans le lieu bien nommé de Dog River. Nous travaillions dans les forêts à l'aide de scies électriques et de toutes sortes de choses. Il y avait une assez grande population finlandaise là-bas, qui était assez connue pour son travail forestier. J'ai passé l'été avec eux et j'enseignais le soir. C'était ma deuxième année à Collège Frontière. 

J'ai entendu dire que les premières semaines en tant que travailleur-enseignant pouvaient être assez difficiles. Quelle a été votre expérience initiale ? 

Avec l'équipe, tout avait de l'importance : le travail, la taille, si vous avez l'air en forme physiquement. J'étais avec un autre gars de l'Université de Toronto et, physiquement, il était incapable de faire ce qu'on attendait de lui. Dans mon cas, j'ai eu de la chance dans le sens où, en travaillant pour le gang de la construction ferroviaire, la première semaine ou deux, je maniais un marteau et je devais planter des clous à la main. Cela m'a donné quelques ampoules aux mains. J'ai des dessins dans mon journal que j'ai gardé à ce sujet (rires). Mais après la deuxième semaine, à cause de ma taille, ils m'ont déplacé pour devenir ce qu'on appelle un opérateur de marteau à pointe. Nous étions cinq dans chaque équipe : 2 Yougoslaves, un Russe, un Hongrois et moi-même. La machine était sur roues. Elle était entraînée par un moteur à essence et elle enfonçait les clous dans les rails, dans les traverses. Donc, votre mouvement consistait à avancer et à enfoncer le clou, puis à avancer à nouveau et à enfoncer le clou, et ainsi de suite. Ensuite, vous aviez ce qu'on appelait le poseur de clous. C'était le gars penché en avant et tenant le clou en place pendant que vous l'enfonciez [Jim hausse un sourcil et rit]. Donc, vous espériez vraiment ne pas lui écraser les doigts. C'était le genre de tâches que j'effectuais. 

Une photo d'hommes poussant des wagons de chemin de fer à côté de la rivière Bow, en Alberta et une autre d'hommes avançant..

Vers la troisième semaine environ, après avoir repris mon souffle et perdu quelques kilos, j'ai pu commencer à enseigner. C'était le début de ce que j'allais faire pour le reste de ma vie. À ce moment-là, je ne le savais pas encore, mais je me rendais compte que ce que je désirais vraiment, c'était enseigner aux adultes ou aux jeunes adultes et rendre cela significatif pour eux dans le contexte de la société dans laquelle ils vivaient. C'est donc à partir de là que l'histoire prend de l'importance pour moi. J'ai commencé à donner des cours particuliers. J'avais un jeune Métis de Fort William en 8e année qui souhaitait passer en 9e année, donc je lui donnais des cours particuliers. J'avais aussi un autre garçon, un immigrant italien, qui n'avait pas montré beaucoup d'intérêt jusqu'à un jour particulier, vers la troisième ou la quatrième semaine.

Il a dit : "Tu dois m'aider !" 

J'ai dit : "T'aider avec quoi ?" 

"Ma petite amie a crashé ma voiture. Je dois obtenir l'argent de l'assurance." 

Alors, j'ai dit : "D'accord, regardons ce que nous pouvons faire." 

Je pourrais vous raconter toutes sortes d'anecdotes. Il y avait un homme dans la soixantaine. Il ramassait les chevilles en bois inutilisées et les mettait de côté. Physiquement, il n'allait pas si bien, mais il avait besoin de travailler. Il venait de Winnipeg, et c'est ce qu'il faisait en été pour passer l'hiver. Chaque jour, il venait me poser une question. Il pouvait demander, "Est-ce qu'il y a vraiment des anneaux autour de Saturne ?" et toutes sortes de questions. J'ai dit, "Wow, d'où vient cela... ?" Et je n'ai découvert que deux semaines plus tard qu'il était un lecteur assidu, et qu'il adorait le Reader's Digest. Donc, il notait les questions du Reader's Digest et venait demander à ce type de l'université pour voir s'il savait vraiment de quoi il parlait.

Je pense que la leçon qui m'a été inculquée était que, peu importe qui vous êtes - ne pas stéréotyper, évidemment - mais ne pas présumer. Voici un gars qui travaillait très dur, mais il avait quelque chose ici [pointe vers sa tête], comme la grande majorité des humains, qui nous pousse à vouloir en apprendre plus sur le monde dans lequel il vit. C'était une belle leçon pour moi. 

Une fois que tu as fait tes preuves, est-ce que les hommes sont venus à toi ? Et avais-tu ton propre espace pour enseigner ? 

Il y avait un wagon spécialement aménagé pour l'espace de classe. Quand vous sortiez, on vous fournissait un tableau noir en caoutchouc, de la craie, une pile de livres - et peut-être "L'enseignement de l'anglais de base" ou bien une pile de romans - ainsi que du matériel de premiers secours. D'une certaine façon, il y avait déjà un wagon-bibliothèque dans la plupart des camps puisque la plupart des camps avaient déjà des ressources pédagogiques de disponibles.

Une photo de Jim Morrison en train de laver des vêtements et une autre de lui et Agi Gustino dans un champs.

 

Pendant les trois premières semaines, j'ai dormi dans un wagon ; nous étions 12 hommes dans ce wagon. Lorsque je suis devenu opérateur de marteau à pointe, ils m'ont déplacé dans un autre wagon pour que je sois avec les autres opérateurs de marteau à pointe, car ce sont les gars avec qui vous alliez travailler et ils doivent vous connaître. Bien sûr, j'ai appris de nouveaux gros mots. Je ne vais pas en répéter certains, mais quand même [rires]. 

Tu mentionnes que ce travail t'a conduit à devenir enseignant. Y avais-tu déjà pensé avant ? 

Non, je pensais devenir physicien en laboratoire. Après ma deuxième année, les laboratoires m'ennuyaient à mourir. Cest pour ça que mes notes avaient beaucoup baissé ! Je n'avais jamais vraiment envisagé d'enseigner jusqu'à cette expérience au Collège Frontière, et après avoir passé quelques années à étudier en histoire et en anglais. Le marché du travail était bien meilleur dans les années 60, donc l'histoire est devenue ma matière principale. Ensuite, lorsque j'ai entrepris mon B.Ed., au début je me suis dit, "C'est ce que je vais faire." J'ai effectué des stages dans certaines écoles. Mais, comme pour le Collège Frontière, quelque chose d'autre est apparu sur mon chemin ; c'était CUSO, le Service universitaire canadien outre-mer, qui était à l'époque (pas tant maintenant, cela a beaucoup changé) un phénomène similaire. Les diplômés universitaires, qu'ils aient un B.Ed ou un B.A.G. (B.A généraliste, comme on les appelait), étaient recrutés pour aller enseigner à l'étranger. Donc, cela s'intégrait très bien dans mes plans ; ayant fréquenté le Collège Frontière, je pouvais maintenant appliquer ces compétences dans un environnement totalement nouveau.

Mon père a dit, "Pourquoi ne travailles-tu pas pour la fonction publique ?" Ce n'est pas qu'il était déçu de moi, mais je pense qu'il ne voulait pas me voir partir à l'étranger. J'étais avec CUSO pendant 10 ans. Je suis parti à l'étranger au Ghana et au Nigeria. J'ai beaucoup voyagé quand l'occasion s'est présentée. Et j'ai fait mon Ph. D. en histoire de l'Afrique. J'avais fait 2 ans avec CUSO, puis j'ai reçu une bourse du Commonwealth à l'Université d'Ibadan. J'ai fait mon travail de terrain et j'ai obtenu mon diplôme en 75. J'ai enseigné en même temps. 

Qu'est-ce t'a amené à revenir en Nouvelle-Écosse ? 

Plusieurs raisons. J'étais marié à ce moment-là. Ma femme et moi nous sommes mariés à Acadia en 68. Ensuite, j'ai fait la plupart de mes études de doctorat à l'Université d'Ibadan. En 74, notre premier enfant est né, et nous avons commencé à penser à notre famille restée au pays. Nous avons commencé à penser que ma femme voulait être physiothérapeute. Elle ne pouvait pas le faire au Nigeria. De mon point de vue, c'était "mon tour, ton tour". J'avais fait mon travail, j'avais mon Ph.D., maintenant que veux-tu faire ? Elle avait déjà son premier diplôme, maintenant elle voulait faire de la physiothérapie. Elle a finit par obtenir son Master. 

Et bien sûr, la famille. Je viens d'une famille très soudée de la Nouvelle-Écosse rurale, et on pense en termes d'âges quand votre famille vieillit. 

Qui était le directeur ou le président lorsque tu as commencé à Frontière ? 

C'était le président Eric Robinson qui était alors le président. Nous avions eu un peu d'orientation. Évidemment, nous n'avions pas eu d'orientation physique, mais nous avions eu un peu d'orientation en termes de pédagogie, ou d'andragogie comme on l'appelle maintenant. Je pense que nous avions eu environ une semaine et demie où il nous avait guidés dans une langue que nous ne connaissions pas du tout, et c'était l'inuktitut, et c'était intelligent. C'était quelque chose dont nous n'avions même jamais entendu parler. Il était très affable. J'aimais beaucoup Eric. Il était très encourageant, et il avait l'habitude de dire : "Le Collège Frontière est derrière vous. À des milliers de kilomètres derrière vous." [rires]

Ian Morrison, qui était Président après Eric, était Coordonnateur de programme à ce moment-là. Ma dernière année était en 1965, et Ian faisait déjà des déplacements à cette époque, pour aller recruter. Mais il n'y avait pas beaucoup de personnel. L'année précédant ma première année, la secrétaire était Jessie Lucas, qui est très renommée au Collège. Elle a pris sa retraite en 1963. Je l'ai revue avant ses 102 ans ! Elle venait aux réunions du Conseil dans les années 80. 

Es-tu resté en contact avec l'organisation entre la période pendant laquelle tu étais Ouvrier-Enseignant et celle où tu es devenu membre du Conseil d'administration ?

Je suis resté en contact avec les Ouvriers-Enseignants avec qui j'ai travaillé. J'ai rencontré le futur président du Collège Frontière, Jack Pearpoint, lorsque j'étais au Nigeria. Il était là en même temps que moi.

J'aurais pu repartir en tant qu'Ouvrier-Enseignant, et on m'avait approché pour être superviseur des Ouvriers-Enseignants dans l'Ouest pour l'été 1966. Mais j'ai été pris dans la politique étudiante et suis devenu président du conseil étudiant, et vous aviez tout l'été pour organiser tout cela. C'est donc là que s'est terminé mon dernier contact officiel, et ensuite je suis parti.

Quand je suis rentré chez moi [au Canada] à la fin des années 70, j'ai recherché Jack, qui était devenu président après le départ d'Ian. Il m'a demandé si j'étais intéressé à rejoindre le Conseil d'administration. J'ai commencé au Conseil d'administration avec lui, je suppose que ce serait au début des années 80... et j'y suis toujours. [rires]

Une photo de deux hommes sur une machine qui boulonnait les rails ensemble et une autre d'hommes entrain de laver et sécher leurs vêtements.

Comment es-tu devenu l'historien officiel de Littératie Ensemble ?

Lorsque j'ai rejoint le Conseil d'administration au début des années 80, Jack Pearpoint était président. Parce que j'avais eu cette expérience personnelle... C'était un passe-temps pour moi. Je ne suis pas un historien canadien professionnel. Je suis un historien africain. Mais on s'adapte et on fait d'autres choses. Donc, le Collège Frontière était important pour moi, mais n'occupait pas 100% de mon temps. Jack a dit, "Nous approchons de notre 90e anniversaire, donc ce serait vraiment bien si nous avions une publication." Ils avaient déjà engagé quelqu'un, mais cela ne menait nul part, alors il m'a demandé si je pouvais faire quelque chose. J'ai dit, "D'accord." En 1989, nous avions "Camps and Classrooms". Ce n'était pas - et là je mets mon chapeau d'historien - c'était un regard historique sur le Collège Frontière, mais cela ne contenait pas le genre de détails que j'aurais aimé voir, mais je n'avais pas le temps de faire un autre travail dessus.

Plus tard, alors que nous approchions du 100e anniversaire, j'ai revisité le livre de Fitzpatrick, "University in Overalls", et j'en ai fait une réédition. Je n'ai pas modifié ce qu'il avait écrit, mais j'ai rédigé une introduction sur "l'homme, la mission et le livre". Je considérais cela comme essentiel pour expliquer pourquoi nous sommes ce que nous sommes et comment nous pouvons prendre exemple sur lui. Si jamais quelqu'un s'est déjà demandé : "Mais qui pourrait bien pensé à faire ça ?" La réponse est Fitzpatrick. 

Je suis resté au Conseil d'administration, et lorsque mon mandat a pris fin, je pense que c'était en 2000, Bill Shallow était président du Conseil d'administration. Il m'a approché et m'a demandé si je serais intéressé à servir en tant qu'historien du Collège. Nous avons convenu d'un accord, et j'ai accepté de m'occuper du Minute du Patrimoine, de poursuivre la recherche et de fournir une perspective historique, entre autres choses. Au fil du temps, nous avons organisé une exposition. Puis, alors que nous entrions dans cette période, j'ai entrepris de rédiger la biographie de Fitzpatrick, ce qui, je pensais, était une belle façon de commémorer le 125e anniversaire. J'ai également écrit une courte biographie pour les jeunes adultes sur Fitzpatrick.

Comment la Minute du Patrimoine a-t-elle eu lieu ?

La Minute du Patrimoine a débuté à la fin des années 1990. Nous avons collaboré avec l'équipe de Historica Canada. Tout n'a pas été parfait, Nous devions leur fournir toutes les informations que nous avions recherchées et trouvées, et c'étaient à eux de décider ce qu'ils allaient en faire. Donc au lieu de mettre en avant le Collège Frontière, ils ont choisi de mettre en avant Norman Bethune, ce qui était tout de même approprié. Norman était bien un Ouvrier-Enseignant, mais c'est bien plus grand que lui. Nous avons également obtenu la plaque des Lieux et Monuments Historiques. Il y a eu de petites victoires. L'idée générale était toujours que "Nous avons un passé, et nous en tirons des leçons." Espérons que cela ait été réussi.

Comment expliques-tu que Alfred Fitzpatrick ne soit pas mieux reconnu au Canada ? 

Parce que nous sommes Canadiens. [rires] Nous sommes très réticents à nous mettre en avant. Fitzpatrick est intéressant pour moi dans le sens où il était certainement un Canadien à cet égard. Si vous parcourez les photographies de cet article prises dans différents livres - à la fois "Camps and Classrooms" et la récente biographie - il est en arrière-plan. Il voulait mettre en avant le Collège Frontière, et non lui-même. Il y avait d'innombrables articles dans les journaux, mais rien sur lui. C'était toujours sur le Collège et l'importance du Collège. C'était un homme ambitieux et modeste. Il se sentait très honoré d'être un étudiant de maîtrise à l'Université McMaster parce que tous les autres directeurs de collèges au Canada avaient des diplômes d'études supérieures, et pas lui. Mais toute la tendance à la modestie est là. Mon plus grand souhait est que les gens reconnaissent que nous avions un fantastique militant social. Il pouvait être un peu excentrique de temps en temps, ce que j'ai volontairement laissé dans le livre parce que je voulais le rendre humain. Je ne voulais pas en faire une figure parfaite. Il y a aussi des aspects très tristes de son histoire.

C'était quelqu'un de très distrait. Le seul film que nous aurions pu avoir du Collège Frontière dans les années 1920, il l'a laissé dans un tramway. Il n'a jamais été retrouvé. Il n'y avait qu'une seule copie et elle a probablement été réduite en cendres à présent.

Une photo avec un poseur de clou et sa machine souriant à l'objectif et une autre d'hommes travaillant sur les rails.
Peux-tu m'en dire un peu sur les opinions d'Alfred Fitzpatrick sur l'éducation et l'inclusion ?

Il avait l'habitude de dire : "Je ne suis pas ici pour vous enseigner ce que vous devez savoir. Je suis ici pour vous enseigner ce que vous voulez savoir." Fitzpatrick était en avance sur son temps, même dans son attitude envers les femmes au travail... Que ce soit en travaillant dans une usine de poisson en Nouvelle-Écosse ou en devenant médecin itinérant, comme Margaret Strang, dans le nord de l'Ontario. Ou cette idée que l'étudiant apprend ce qu'il veut apprendre, et que vous êtes là pour faciliter cet apprentissage. Son attitude envers les communautés des Premières Nations. Toutes ces choses, pour son époque, sont incroyables.

Fitzpatrick pensait en dehors du cadre habituel. Il disait que nous pouvions envoyer une femme travailler avec des femmes ukrainiennes en Saskatchewan pendant les moissons. Que nous pouvions envoyer une femme qualifiée comme médecin dans l'une des communautés de colonisation dans le nord de l'Ontario.

Peux-tu offrir une perspective historique sur le changement de nom du Collège Frontière à Littératie Ensemble ?

Nous sommes devenus un collège parce que nous accordions des diplômes. Nous n'avons tout simplement pas abandonné le nom Collège lorsque nous avons perdu le droit de délivrer des diplômes en 1931, car c'était notre identification. À cette époque, diffuser cette information auprès des gens était bien plus difficile qu'aujourd'hui. Littératie Ensemble, anciennement Collège Frontière... les gens se disent : "Ah oui, je les connais."

Vers quelle direction aimerais-tu voir Littératie Ensmble aller ? 

Cela nous ramène à la discussion sur ChatGPT et l'IA. Comment Littératie Ensemble peut se positionner pour encourager la pensée critique face aux différents messages que nous recevons ? Je n'ai pas la réponse à cela. Le Collège Frontière a joué un rôle crucial dans l'expansion de l'alphabétisation et dans l'aide aux gens pour comprendre ce qu'ils lisent. À présent, nous sommes confrontés à la tâche de regarder, écouter ou voir quelque chose... Comment pouvons-nous examiner ces informations de manière critique et discerner leurs véracités ? C'est une tâche colossale. Nous ne pouvons pas la mener seule.

Pour en apprendre plus sur l'histoire de Collège Frontière, visitez notre page intitulée "Notre histoire". 
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Nous remercions tout particulièrement Jim d'avoir pris le temps de nous parler ! 

Deux photos de Jim durant des événements
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